lundi 23 janvier 2012

Le quai de Ouistreham de Florence Aubenas


Le livre :

Le quai de Ouistreham de Florence Aubenas, disponible aux éditions de l'Olivier, 19 €, 269 pages.
Existe aussi en version de poche, chez Points, 6 € 50, 238 pages.
Disponible aussi en version électronique. C'est celle-ci que j'ai lu.
   

Pourquoi cette lecture ?

Lectrice depuis le mois de décembre sur une liseuse (je n'en ai pas pour autant complètement abandonné le format papier car je l'apprécie aussi, mais disons que je fais également évoluer ma façon de lire, je m'adapte à mon époque car le progrès n'est bien que si on l'accepte pour justement faire disparaitre ses défauts par de nouvelles innovations), je recherchais de quoi alimenter celle-ci quand on m'a fait connaître le club des lecteurs numériques.
Un partenariat et hop, me voilà donc en train de lire la version numérique de l'ouvrage de Florence Aubenas.
Je tiens tout de même à préciser que ce livre, je l'avais déjà repérer depuis sa toute première sortie et qu'il était bien présent dans ma wish-list (liste de livres que je souhaite lire un jour). C'est donc avec plaisir que j'ai saisi cette opportunité de lecture contre une critique.



Le pitch :

Désireuse de saisir au plus près la réalité sociale de la crise, Florence Aubenas s'est immergée pendant six mois dans le quotidien d'une travailleuse précaire.
Sans autre qualification que le baccalauréat sur son CV, elle s'inscrit au Pôle Emploi de Caen. Son objectif : décrocher un CDI. Elle devient alors "agent de nettoyage" et enchaîne les heures par-ci par-là. Dans son livre, elle témoigne de la misère ordinaire de la France d'en bas. Un document exceptionnel qui a dévoilé le vrai visage de la crise.


Ce que j'en ai pensé :

J'ai pu faire deux bonds dans le passé de ma vie personnelle avec cette lecture qui n'est absolument pas un roman, mais bel et bien un compte rendu journalistique d'une immersion en situation réelle. Un travail d'investigation à grande échelle et qui implique fortement la journaliste puisqu'elle "mouille" vraiment sa chemise comme on dit par chez moi. Elle va payer de sa personne et le résultat final est à la hauteur.
Oui, j'ai eu l'impression de revivre très clairement des souvenirs très vivaces de mon histoire personnelle grâce à ce livre (ebook en l'occurrence puisque je l'ai lu sur mon KOBO - ma liseuse). Cette expérience vécue par Florence Aubenas est assez récente puisqu'elle remonte à 2010, mais ce qui touche à mon expérience est plus ancien : entre 1999 et 2005. Cela signifie hélas que la situation ne s'est donc pas amélioré puisque l'on évoque des situations de fortes précarités. D'ailleurs, l'actualité dans les différents médias n'est que trop rarement porteuse de bonnes nouvelles dans ce domaine.

Je tiens à vous rassurer, je n'ai jamais connu une telle précarité, mais je l'ai vu, je l'ai connu et je l'ai hélas côtoyé pour des raisons professionnelles.
Entre 1999 et 2001, j'ai vécu dans les Ardennes. Je puis vous assurer que la fermeture des industries dans le département déjà assez pauvre n'avait fait qu'aggraver une situation économique préoccupante. J'y ai vu des familles dignes, mais dans une réelle détresse. J'y ai vu aussi des comportements surprenants, éloigné de toute logique, mais découlant juste de ce manque de stabilité financière des ménages. La misère pousse à tout, même parfois à l'impensable !
Entre 2001 et 2005, j'ai vécu dans les Bouches du Rhône. Autre lieu, autre région, autre problématique de l'emploi à peine différente, mais j'étais employée alors à l'ANPE (l'une des deux administrations qui ont fusionné - avec les ASSEDIC- pour donner naissance à l'actuel Pôle Emploi) : le chômage, c'était mon gagne pain ! Hélas.

Les expériences, les situations, les inquiétudes que Florence Aubenas va raconter dans son ouvrage me sont donc familières à plus d'un titre.
Vous aussi, vous verrez, cela vous sera familier car c'est du vu et revu dans pas mal de reportages ou tout bêtement autour de soi avec des proches. Le passage à l'écrit fait que cela marque peut-être plus les esprits car on s'y attarde un peu plus longuement. On est galamment moins passif, on est plus acteur puisque nous devons fournir déjà l'effort de lire.
Parfois, quand même, on se dit qu'elle exagère, que les gens que Florence Aubenas a côtoyé n'ont pas pu dire ou faire cela ou ne pas se révolter contre telle ou telle injustice. Mais pourtant, je puis vous assurer qu'hélas, c'est bien ainsi que cela se passe dans la réalité. C'est sans doute ce qui fait que l'on sort de cette lecture, non pas résigné, mais encore plus indigné que jamais.
Mon expérience remonte au plus tôt en 2005, celle de Florence Aubenas à 2010. Nous sommes en 2012 et rien n'a changé, c'est même pire. Mes anciens collègues me le disent bien et voilà aussi l'une des raisons qui a fait que je n'ai jamais repris mon poste ou un similaire. Faire du social ok, mais du chiffre et de l'abattement, non merci. Je veux pouvoir me regarder en face dans un miroir, donc j'assume mon choix de n'avoir pas replongé (j'ai aussi eu l'opportunité de me le permettre même si les fins de mois ne sont pas glorieuses).

L'indignation, c'est très bien, c'est à la mode (voir "Indignez-vous" de Stéphane Hessel). On se demande à quoi elle peut servir… Elle n'apporte pas grand chose, parfois même que des ennuis, mais se taire serait quand même pire encore, donc pour ma part, je vais le dire haut et fort : il est indigne de notre pays, de n'importe quelle nation d'ailleurs de traiter des personnes, des familles entières de la sorte ! Des solutions sont toujours possibles, envisageables, même si elles peuvent être longues et difficiles à mettre en place. On ne peut pas laisser des êtres humains dans une telle détresse, une situation de pauvreté économique qui conduit à une pauvreté plus générale : celle de l'âme ensuite.

Je ne puis que vous recommander de lire ce livre qui ne vous apprendra peut-être pas grand chose, car justement on sait fort bien que cela ne va pas bien dans notre pays au niveau de l'emploi, mais faire comme si cela n'existait pas, ou faire comme si cela était presque normal, non !
Lire n'a jamais eu autant de sens.
Lire, c'est s'informer. Florence Aubenas a tenter cette expérience pour justement nous donner des informations depuis l'intérieur, depuis le front de la survie des précaires. A nous de les digérer et de faire en sorte que les choses bougent. Nous entrons bien en période électorale ? Notre pouvoir est dans notre bulletin de vote par exemple. Ne dîtes pas que l'on ne peut rien faire. Ne dîtes pas que vous ne saviez pas !

L'écriture est journalistique, cela se lit aisément, ce n'est pas de la grande littérature, mais justement, c'est peut-être une qualité plutôt qu'un défaut dans ce cas précis. C'est comme un immense reportage. Même ceux qui ne lisent pas de livres d'ordinaire peuvent très bien se lancer.
La réalité dépasse hélas de loin la fiction.
N'oublions pas qu'il ne s'agit pas de personnages fictifs cette fois, ces hommes et ces femmes existent bel et bien. Rendons leur hommage et leur dignité en parlant de leur quotidien.
L'enfer est peut-être, même surement déjà sur Terre.


Et s'il fallait mettre une note : 15 /20



Bonus :

La fiche Wikipédia de Florence Aubenas, l'auteur de ce récit : http://fr.wikipedia.org/wiki/Florence_Aubenas

Une interview de Florence Aubenas de 35 minutes qui présente son livre, mais aussi explique sa démarche journalistique et surtout humaine :


Interview de Florence Aubenas : l'intégrale par rue89


La fiche Wikipédia de l'ouvrage : http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Quai_de_Ouistreham

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